08 septembre 2017

Datong et alentours


Version de Sophie

Bonjour tout le monde,

Nos aventures chinoises continuent dans la ville de Datong où nous sommes arrivés via un train couchette. Expérience très sympa, le train couchette, c’était une première pour moi et j’ai beaucoup aimé. Bon, en gros on a dormi en sandwich entre deux chinois (chacun sur sa couchette hein, on était sur la couchette du milieu), mais c’est chouette de s’endormir à un endroit et de se réveiller à un autre, on ne voit pas le trajet passer.


Datong en tant que telle n’est pas une ville exceptionnelle, il n’y a pas grand-chose à y voir, mais c’est le point de départ de sites touristiques réputés. Pour nous, la ville s’est quand même révélée être une grande découverte, puisqu’il s’agissait de notre première ville chinoise après Pékin.

On y trouve de grands et beaux immeubles tout neufs, des immeubles moins beaux et moins neufs et des immeubles complètement glauques et délabrés. Le délabré-moche-glauque côtoie le flambant neuf d’une façon vraiment étonnante pour nous européens. À Bruxelles, la démarcation entre les « beaux quartiers » et le reste est bien plus nette.


À Datong, des enseignes en chinois partout (ah bon ? 😉), des vendeurs de fruits et légumes sur le bord de la route, assis sur le rebord de leurs « tricycles électriques ». Je ne sais pas comment décrire ces engins qu’on voit partout en Chine (on n’a pas pensé à prendre de photos), drôle de croisement entre un scooter et un tout petit camion, à trois roues, électriques donc silencieux. Certains sont neufs et aux couleurs originales telles que le rose bonbon, d’autres sont rouillés et délabrés et on se demande comment ils roulent encore.

En Chine, les vendeurs de rue ne crient pas, ce qui ne signifie pas qu’ils sont silencieux : un mégaphone diffuse à leur place leurs cris publicitaires (on ne comprend rien à ce qu’ils racontent, mais on imagine que ça doit vouloir dire quelque chose comme « pas chères mes pommes » ou « délicieux mes raisins ! »).

Lors d’une ballade dans la ville en soirée, on a assisté au spectacle étonnant des chinois en train de brûler des tas de faux billets sur le bord du trottoir. On a appris après qu’il s’agissait d’une tradition bouddhiste destinée à attirer la bonne fortune, et qui n’a lieu qu’à la pleine lune. Bien nous a pris de nous balader de nuit dans Datong justement ce soir-là ! Malheureusement, aucune photo, les scènes étaient étonnantes et touchantes mais pas évidentes à photographier, à cause du contraste entre la nuit noire et le feu, et la peur de déranger une pratique religieuse.

On prend plaisir à essayer de déchiffrer le chinois, à reconnaître un caractère par-ci par-là. Aller en Chine nous donne très envie d’apprendre la langue et l’écriture.

Nous avons aussi vécu quelques aventures alimentaires supplémentaires. Pas au niveau du goût, la nourriture chinoise est un délice, on adore, on n’a encore rien mangé qu’on ait trouvé mauvais (quoique… les gésiers de canard, c’était quand même bof bof). Par exemple, j’étais très fière de commander une bière en chinois, jusqu’à ce que notre hôte nous fasse comprendre qu’il était musulman et qu’il ne servait pas de bière… (Au moins, il avait compris mon chinois ! 😊) Ou alors hier soir, où nous sommes devenus la coqueluche du restaurant : on a « discuté » grâce à Google Trad (pour nous) et une application inconnue (pour eux) (vivent ces applications, elles sauvent la vie en Chine !!!), on les a faits bien rire en commandant la même chose que notre voisin (ça avait l’air bon et la carte en chinois ben…), on a fini la soirée par une séance photo avec à peu près tout le restaurant…

Côté touristique, nous avons visité les grottes de Yungang (terrible, mais François vous racontera ça) et le temple suspendu : un ensemble de perches qui semblent porter le temple sur la falaise malgré leur air branlant (en fait, ce ne sont pas elles qui supportent la structure). L’ensemble est canon, mais parcourir le temple m’aura donné des sueurs froides. Je ne suis pas sujette au vertige mais là… Disons que la sécurité en Chine n’est pas la sécurité en Europe. Tout est d’origine, aucun filet, aucune protection ajoutée au temple pour éviter aux touristes de tomber. Pourtant, par moment, on se retrouve sur une passerelle de cinquante centimètres de large avec pour toute protection une petite barrière de bois datant d’il y a je-ne-sais-combien d’années et qui monte à peine jusqu’aux genoux. Et impossible d’avancer pour quitter cet endroit terrifiant, on n’y passait qu’un par un et j’ai dû attendre en serrant les dents que les deux chinoises qui me précédaient (et qui n’avaient pas l’air terrorisées du tout, elles), finissent de prendre leurs photos.






Bref, des émotions, et des images plein les yeux et plein la tête !

À bientôt pour de nouvelles aventures,

Sophie


Version de François

Bonjour à tous,

Demain dès l'aube, (à l'heure où blanchit la campagne, etc.), nous quitterons l'étrange ville chantier de Datong pour nous rendre en bus à la montagne sacrée de Wutai Shan, à quelque quatre heures de bus d'ici, prochaine étape de notre voyage chinois, décidément très touristique.

Nous sommes arrivés ici mardi matin, vers 6h. Depuis ma couchette, j'observais défiler des rangées de buildings modernes, tous identiques, peignant un paysage digne des couches profondes de l'âme dans le film Inception. Nous avions choisi un billet qui se traduit littéralement « coucher dur », moins cher que le « coucher mou » et nous avons trouvé cette nuit relativement confortable. Les gares sont impressionnantes. Les Chinois sont nombreux, les espaces d'attente couvrent des surfaces étonnantes, la sécurité est digne d'un aéroport, on n'entre pas dans la gare si ce n'est pour acheter un billet ou monter dans un train et on prend l'habitude de déposer son sac sur un tapis roulant pour qu'il passe aux rayons X. Si on ne l'a pas fait trente fois...

À la gare, la file pour acheter un billet...
À six heures du matin, Datong est bruyante. Très bruyante. Les Chinois hurlent et les taxis rabatteurs de touristes sont au taquet à la sortie du train de 6h. J'avais l'impression d'être une caisse de lotte fraîche à la criée. (Quoiqu'on n'était guère frais.) Expérience d'autant plus étonnante que jusque là, j'avais été plutôt agréablement surpris par la réserve des chinois en pareille circonstances.

Il faisait bleu. On voyait le ciel ! Et ça, c'était cool. L'atmosphère est semble-t-il moins polluée par ici. Et c'est resté vrai pendant les trois jours que nous avons passés ici. Et nous avons eu les clefs de notre chambre d'auberge à 7h du matin, ça aussi c'était cool ! (Lessive, douche, repos... Aaaaah!)

Chez KFC, en Chine, ils servent au petit déjeuner (pour 12 yuans) un bol de porridge de millet avec une tasse de lait de soja chaud. Je me demande s'il y a ça en Belgique... je n'avais jamais mis les pieds dans un KFC. On a pris ce petit déjeuner trois fois cette semaine.

Le mardi, en journée, on n'a pas fait grand chose d'autre que profiter de notre chambre. Le soir, nous sommes partis nous balader à la recherche de nourriture, avec l'intention de nous faire une idée de la ville où nous étions. Et nous n'avons pas trop compris où nous étions. Il y avait sur le plan de la ville une fortification parfaitement carrée, et des points y annonçaient un certain attrait touristique et un centre commercial. Nous avons marché dans cette direction. Nous avons vu un superbe coucher de soleil, et avons pris un paquet de photos depuis l'extérieur des fameuses fortifications. Elles étaient ahurissantes car absolument neuves, surmontées d'imposantes tours chinoises (l'adjectif vaut ce qu'il vaut...) dans un parfait style médiéval de 2017. Les Chinois sont forts pour reconstruire à neuf leur ex-patrimoine, c'est assez déroutant, ça en met plein la vue, mais du coup ça fait très Disney World Datong. Ce qui nous a vraiment surpris c'est qu'une fois traversée l'une des portes de ce décor improbable entouré d'un anneau de soixante mètres de large d'eau et de verdure (à l'état de jardin/chantier lui aussi), les souvenirs qui me sont venus à l'esprit évoquaient les quartiers les plus glauques et les plus délaissés de Bamako. C'était Alep, deux mois après les attaques.


Il y avait un tout petit peu de vie. Des routes défoncées, une devanture sur deux abandonnée et délabrée, l'autre clignotante et repoussante. Bon, il était tard et les quelques volets qui avaient été ouverts descendaient. Nous étions entrés là avec l'intention de trouver un endroit où manger mais le quartier se vidait et, pour la première fois, nous n'avions pas un sentiment de sécurité suffisant que pour nous attarder. Du coup, nous avons fait demi-tour et avons trouvé un endroit où manger très sympa, hors des murs, dans les environs de notre auberge.

Datong est une ville chantier de 3,5 millions d'habitants. En retournant dans le carré historique aujourd'hui, après nos visites touristiques, nous nous sommes rendus dans un autre quartier, conseillé par notre aubergiste, car je voulais en avoir le cœur net. (Imaginez un carré dont les axes routiers principaux sont tout simplement les médianes.) Nous avons marché dans une partie rénovée de ce carré. En fait, depuis quelque chose comme trente ans, Datong poursuit le projet de mettre tout son centre historique par terre pour le reconstruire à neuf. Du coup, aujourd'hui, entre les décombres d'Alep, nous avons visité les premières portions toutes neuves de Disney Datong. Une expérience troublante, même franchement dérangeante, le neuf que nous avons vu (version criarde d'une Rue Neuve, déserte comme un décor de western avant le tournage) dénotait tellement à côté de la misère des quartiers voisins... Et cette impression générale s'applique en fait à la ville dans son ensemble. Le flambant neuf côtoie l'abandonné selon un plan en damier douteux et les habitants semblent s'accoutumer de ces contrastes qui racontent qu'il faudra revenir voir Datong dans vingt ans.

Bon... une page et demi et pas encore un mot de ce qui nous a initialement amené ici : les Yungang Caves et le Temple suspendu.

Le Temple suspendu, Sophie vous l'a raconté, est une expérience étonnante. On essaye d'imaginer comment il a pu être construit à une époque où la pierre se taillait au burin, l'endroit est fascinant, à nouveau onirique. On se demande aussi comment il supporte le flot incessant de pèlerins et on imagine que le prix du billet d'entrée part essentiellement en assurances en tous genres. Le nom est évocateur, l'expérience est saisissante.

Hier, nous avons visité les Yungang Caves, un incroyable site bouddhiste dont l'installation remonte au troisième siècle.


Le cœur de la visite, ce sont précisément les cavernes, et plus largement les falaises où elles ont été creusées. Ces falaises forment un complexe religieux colossal, où chaque caverne creusée abrite une merveille sous la forme d'un bouddha, d'une autre divinité, ou d'une pagode (tour décorée de bas-reliefs), toutes ces œuvres maîtresses sont entourées à l'infini de plus petites effigies colorées des mêmes divinités selon un canevas judicieusement appelé « mille bouddhas ».



J'utilise l'expression « cœur de la visite » parce que ces falaises furent entourés jadis de temples, et de portes. Le temple principal reposant sur pilotis au milieu d'un lac. Mais à l'exception des falaises qui semblent globalement traitées comme on le ferait en Europe ; laissées en l'état et protégées ou restaurées lentement au pinceau à un poil, le reste du site subit la loi Disney Yungang : c'est-à-dire que tout est, là encore, remis à neuf. Je ne sais qu'en penser. C'est évidemment très vivant, ça emporte l'imagination, mais où sont passés les vestiges ? Et comme le chantier est en cours, on a l'impression de visiter Pairi Daiza en construction, avant l'arrivée des pandas.



Ils sont fous ces Chinois.

Merci de nous lire.

(Je ne pourrai ouvrir ma boite mail que dans trois semaines, au Japon. Mais WhatsApp passe.)

François












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