Bonjour à tous !
Après notre atterrissage à Pékin, voici le récit de notre visite d'une portion de la grande muraille.
Vendredi, le 1er septembre, je n'entrais pas en classe, je faisais ma lessive dans ma douche au savon de Marseille, en me disant que je n'entrais pas en classe et que je faisais ma lessive dans ma douche au savon de Marseille. C'est le jour où nous avons visité les Hutongs, ces quartiers populaires de Pékin, qui tirent une partie de leur attrait touristique d'un passé de résidence de fin de vie des familles impériales.
L'après-midi, nous nous sommes baladés le long d'étangs qu'affectionnent les Pékinois, nous avons flâné près de vendeurs de cerfs-volants et de bandes de vieux qui jouaient d'instruments traditionnels dans un parc. Le soir nous avions envie de goûter du canard laqué pékinois, mais, attirés comme des papillons de nuit par les lanternes d'un restaurant tape à l'œil, nous nous sommes rabattus sur la seule assiette de canard qui correspondait à notre budget et nous sommes retrouvés avec une assiette de foie et de gésier qui, ma foi était très bonne, mais ne comblait pas nos rêves les plus fous.
Vendredi soir, l'excitation commençait à monter car le lendemain matin nous quittions Pékin en bus, dans le but de rejoindre le petit village touristique de Gubeikou situé au pied d'un tronçon de la grande muraille.
Sophie avait fait pas mal de recherches pour nous dégoter un bon plan qui nous permettrait d'éviter l'écueil des foules de touristes photographiant des vieilles pierres, et l'opération s'est révélée parfaitement fructueuse !



L'étape futée (c'est essentiellement Sophie qui gère tout ce qui est futé jusqu'à présent) fut de demander à notre aubergiste d'écrire en chinois sur notre petit carnet les différentes étapes de notre trajet, histoire qu'on n'ait plus qu'à brandir ce carnet dans les moments clés pour arriver à bon port.
(Précision essentielle, nous remercions chaque soir Saint Googletrad de nous fournir gratuitement et efficacement ses services d'interprète français-chinois. C'est d'une utilité inestimable tout au long de nos journées. La technique est d'ailleurs massivement adoptée par les acteurs du tourisme chinois, lesquels ne sont pas encore la génération qui apprend l'anglais en vue de développer cette jeune activité économique en pleine expansion.) (Même si j'ai été bien aidé aussi ce matin par notre « Gépalémo », un petit carnet édité par Le Routard, contenant une foule de petits dessins utiles pour se faire comprendre en voyage ; j'ai du coup pu montrer une image de bus à un chinois pour lui demander si nous étions bien à l'arrêt de bus, ces arrêts n'étant pas signalés par des panneaux à la campagne.)
Vers 11h vendredi, donc, nous montions dans le bon bus, dans la bonne direction. Nous avons juste fait une bêtise, dans le « stress » de réussir à trouver notre bus, acheter notre ticket, partir dans la bonne direction : nous nous sommes aperçu, une fois dans le bus que nous n'avions pas pris le temps de déjeuner et que nous arriverions vers 15h à notre destination. Bah, comme vous voyez, on est toujours là pour en parler.
Nous avions une correspondance à Minyun, au nord-est de Pékin. Le premier trajet consistait tout simplement à quitter la ville en prenant une autoroute qui en une heure de ligne droite nous a fait franchir l'un après l'autre les six rings qui entourent la ville. (Cela donne un aperçu des dimensions de l'agglomération.) Nous nous demandions si nous verrions faiblir le nuage de pollution au-dessus de nos têtes, mais la distance n'y a rien changé, la région polluée est en fait extrêmement vaste et couvre plusieurs provinces.
À Minyun, le chauffeur nous a encouragés à descendre plusieurs arrêts avant celui que nous avions identifié, ce qui nous a un peu déroutés. Nous avons aveuglément suivi son conseil et avons pas mal marché vers notre destination initiale avant de nous décider à essayer de lire les trois caractères chinois qui signifient Gubeikou sur les panneaux indicateurs de la stib locale. Sophie a réussi ce coup de maître. (J'ai donc appris à lire Gubeikou, ce qui s'est révélé plutôt utile pour les deux jours suivants.) Et nous avons pu prendre notre correspondance depuis un arrêt improvisé. Attendant juste sans trop savoir à quelle fréquence passait notre bus, question que nous nous sommes posée durant 45 minutes, le temps qu'il arrive !
À Gubeikou, notre guide disait vrai : pas besoin de réserver une chambre, un habitant sur deux propose un service d'auberge. Nous avons donc appliqué la stratégie qui s'avère payante depuis une semaine, entrer chez la première personne qui nous invite depuis le seuil de sa maison. Tandis que nous devinions ça et là sur les hauteurs sylvestres des vestiges de tours, nous sommes entrés chez une dame qui (après avoir - à notre plus grand effroi - tabassé à coup de bâton un chien qui faisait mine d'entrer chez elle) nous a merveilleusement accueillis pendant les deux nuits et deux jours du weekend.
Nous étions épuisés, nous n'avons rien fait d'autre samedi que nous balader dans ce village qui vit du tourisme du mur et d'agriculture de maïs et de fleurs. Nous nous sommes posés, nous avons lu, et profité d'un repas préparé par notre hôte.
Le lendemain, en fin de matinée, nous nous sommes lancés à l'assaut de la grande muraille. Gubeikou est séparée par le mur. Au nord du mur c'est une ville, au sud, le village touristique. Ville et village sont dans la plaine, tandis que le mur est sur la crête de la montagne qui les sépare. Nous sommes un peu partis à l'aveuglette pour trouver un chemin qui montait vers le mur. Il n'était guère secret et, bien que nous ayons loupé l'accès touristique principal, nous nous sommes rapidement retrouvés sur des escaliers qui grimpaient dans la forêt, lesquels nous ont emmenés à une première tour.



Bien sûr, nous étions surexcités à l'idée de marcher bientôt sur la grande muraille de Chine, une merveille du monde dont le mythe habite nos esprits depuis toujours, mais je crois que cet état de joie naïve dans lequel nous étions ne dit pas tout de la façon dont nous avons été immédiatement subjugués par le paysage. Le fait que nous découvrions pour la première fois ce type de paysage : une dense et infinie forêt recouvrant sans défaut des centaines de ballons de montagnes aussi loin qu'on puisse voir. (Je devrais réussir à placer « canopée » ici ou là.) Carte postale traversée par le large lit d'un fleuve presque asséché, rempli de végétation, déroulant son ruban d'un autre vert à travers les vagues d'une canopée coiffée d'ici à l'horizon de hautes tours rouges reliées de loin en loin par le rêve que nous étions venus rêver. (Ouf, je me suis lâché, là.)
Inutile de vous dire que nous avons adoré cette expérience. Je l'ai traversée avec l'impression de mettre un pied dans les Contrées du Rêve de Lovecraft. Cette première découverte a duré 3 heures, de faîte en faîte, de tour en tour, sur une portion de la muraille que l'on appelle le Dragon enroulé, depuis laquelle on aperçoit un autre tronçon, plus escarpé qui répond au nom évocateur de Tigre tapis. (Ou quelque chose comme ça.)
Ce soir-là (hier, au moment où j'écris), nous avons décidé de retourner sur le mur le lendemain matin et d'en reprendre le tracé où nous l'avions laissé.
Ce matin du lundi 4, nous nous sommes levés à 5h pour pouvoir observer le jour se lever sur la montagne. Cette expérience-là, je ne vous la raconte pas, les photos en disent long, votre imagination complétera et ne se trompera sans doute pas de beaucoup.


Nous avons rêvé sur ce mur de 6000 kilomètres dont la construction a débuté trois siècles avant notre ère occidentale et s'est poursuivie durant des siècles. On dit parfois que ce mur n'a jamais servi, mais cette phrase n'a aucun sens pour moi. Il raconte des millions de vies au cours de nombreux siècles, il raconte le plus vieux rêve de la Chine, fait écho aux murs de la cité interdite, comme aux murs virtuels qui nous empêchent pour l'instant de lire vos commentaires sur ce blog. Il est une route aussi, une autoroute à travers un territoire ardu. En l'arpentant ce matin, je ne cessais de penser : mon esprit est incapable d'en concevoir les limites, et pourtant, ce n'est pas une étoile, c'est le rêve d'un homme. (De l'empereur Qin Shi Huangdi, ai-je lu depuis dans mon guide.)
Ce soir, nous avons fait la route en sens inverse vers Pékin pour repartir aussitôt vers le sud. Nous sommes à la gare, où nous attendons notre premier train couchette du voyage, pour nous éveiller demain matin à Datong, la prochaine étape de nos aventures, très touristiques jusqu'ici.
Merci de nous lire.
A bientôt,
François
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