02 septembre 2017

Premiers jours à Pékin


Version de Sophie

Bonjour tout le monde,

Alors tout d’abord, comme François et moi avions tous les deux envie d’écrire sur le blog pour vous raconter le début de nos aventures, vous allez avoir droit à deux versions, d’abord la mienne, puis la sienne ci-dessous ! :-)

Nous avons passé notre premier jour à Pékin à… nous écrouler dans notre chambre et dormir ! Nous sommes arrivés vers midi et demi à notre auberge, plutôt fiers d’avoir trouvé notre chemin entre Airport Express, métro et marche, avec plus de vingt-quatre heures de voyage dans les pattes et des panneaux de signalisation en chinois pour seuls guides (bon, allez, il y avait aussi quelques mots d’anglais, les JO sont passés par là).

Le lendemain matin, affamés, on a entamé notre première grosse mission du jour : trouver à manger !!! La recherche s’est révélée fructueuse : à quelques pas de notre auberge, un chinois enthousiaste nous a accueillis en mimant une vache pour nous faire comprendre que les raviolis de sa devanture étaient fourrés au bœuf (en tout cas, c’est ce qu’on a compris, mais après tout, les pékinois ont peut-être pour coutume d’accueillir les clients en faisant des bonds et en mimant des cornes sur leur tête !).


La matinée a été consacrée à la découverte de la place Tian’anmen et au musée national chinois (on n’a pas trop compris pourquoi il avait bonne réputation jusqu’à ce que je lise que l’expo intéressante était au sous-sol… où nous n’avons pas mis les pieds !).

Place Tian'anmen
Puis nous sommes entrés dans un minuscule boui-boui où j’ai fait sensation en essayant de manger avec des baguettes… Les quelques chinois présents se sont fait un plaisir de commenter la scène en rigolant ! En tout cas, à la fin du repas, j’arrivais sans problème à manger mes nouilles, on apprend vite quand on a faim !

Les chinois, on les trouve très sympas contrairement à ce qu’on nous avait annoncé. La grosse majorité ne parle pas anglais (ils savent dire « Made in China » et « Bye Bye »), mais ils sont souriants et accueillants. On a quand même remarqué quelques habitudes qui feraient rire, grincer des dents ou hurler (au choix 😉) chez nous !
  • Certains enfants ont l’arrière du pantalon découpé pour qu’ils puissent faire leurs besoins dans la rue (on imagine que lesdits besoins sont ensuite ramassés par les parents (on n’est jamais restés jusqu’au bout de la scène pour vérifier) parce que les rues sont étonnamment propres, bien plus que chez nous d’ailleurs, et qu’on n’a jamais vu le moindre caca traîner par terre !).
  • Certains chinois se baladent le t-shirt relevé, ce qui découvre leur ventre (aucun poil sur le ventre d’un chinois !), on imagine qu’ils ont trop chaud ?
  • On assiste de temps à autre à un bruyant crachat (mais comme on n’est jamais visés, ça ne nous dérange pas plus que ça) et on imagine qu’ils doivent être dégoûtés quand ils nous voient dégainer notre mouchoir.
  • Les fameux appareils photos chinois ont été remplacés par des smartphones et il nous arrive de temps à autre de poser pour et/ou avec un chinois, attiré suppose-t-on par notre peau blanche et nos yeux non bridés. Nos photos finiront sans doute sur une cheminée chinoise quelconque :-) !

Le deuxième jour (enfin, le troisième, puisqu’on a passé le premier à dormir), on a visité la cité interdite (magnifique, impersonnelle, impressionnante) et on a été rattrapés par la pollution. Absente à notre arrivée, elle s’est faite de plus en plus présente, à un tel point qu’on voit un nuage gris envelopper la ville, presque palpable à quelques mètres de nous. Nos photos de la cité interdite sont toutes un peu grisées et la vue depuis la Colline au charbon qui la domine est couverte d’un nuage gris-noir assez dégoûtant. On n’arrive pas bien à comprendre d’où vient cette pollution, pas besoin de chauffage pour le moment (il fait trente degrés) et pas la moindre usine à l’horizon. Mais c’est vrai qu’on est restés dans le centre.

La cité interdite

La cité interdite

La cité interdite vue depuis la Colline au charbon
Aujourd’hui, on s’est baladés dans les hutong (sorte de vieille ville à l’époque du Moyen-Âge, transformée à certains endroits en temple de la consommation, au grand désarroi de François) et autour des lacs Houhai. On a vu environ un centième de ce qu’il y a à voir à Pékin mais on s’en va pour quelques jours, direction la Grand Muraille ! Ce sera notre première « vraie aventure », parce que devoir acheter des billets de bus à quelqu’un qui ne parle pas un mot d’anglais, prendre un premier bus, descendre au bon arrêt, monter dans un deuxième, re-descendre au bon arrêt quand on ne parle pas chinois et qu’on ne sait pas le lire, c’est loin d’être évident !


À bientôt pour la suite de nos aventures !!!

Sophie

PS : censure chinoise oblige, on a accès ni à notre blog, ni à Instagram, et François n’a même pas accès à son adresse mail. Du coup merci à Florence d’avoir publié cet article pour nous (et merci à la Chine de ne pas censurer hotmail, ce qui nous laisse quand même un moyen de vous transmettre nos impressions 😉) !


Version de François

Bonjour à tous !

Nous voilà depuis quelques jour à Pékin, et le moins que l'on puisse dire est que nous aimons cette expérience.

Nos vols se sont très bien passés. Nous avons atterri de jour et avons pu observer depuis le ciel cette ville étonnamment étendue, encaissée entre les montagnes, au sud de la grande muraille, que nous avons également aperçue depuis le ciel, grâce à Joe, un étudiant anglais qui attirait de temps en temps mon attention sur le paysage.

Nous avons consacré notre première heure à rechercher notre auberge, hallucinés tant par nos premières visions des dimensions architecturales des environs de la place Tian'anmen que par notre manque de sommeil, nous n'avions plus dormi depuis 26 heures.

À ce moment-là, nous ne comprenions pas trop pourquoi les chinois semblaient tant se soucier de la sécurité des piétons ; nous contournions longuement les barrières interminables qui nous forçaient à emprunter les tunnels ou à rejoindre les passages pour piétons, mais en même temps nous risquions notre peau sur ces fameux passages pour piétons dont nous ne comprenions pas encore le principe. Notre stratégie de survie consistait à suivre une jeune famille poussant un landau, persuadés que les parents avertis nous mèneraient à bon port. Les piétons n'ont une priorité très relative que pendant leur feu vert, cette priorité ne valant que contre les voitures, pas contre les deux roues (tous électriques et silencieux) qui règnent sur les routes de façon totalitaire, à coups de klaxon péremptoires. Nous comprendrions plus tard que les interminables barrières qui séparent le trottoir de la route rencontrent un autre objectif que notre sécurité.

Une fois trouvée notre auberge, nous avons appris que le check-in débuterait à 14h, du coup, nous avons inventé une stratégie pour dormir assis, affalés sur notre sac et avons souffert en silence. Je me souviens avoir envoyé l'un ou l'autre WhatsApp/WeChat pour annoncer à la famille que tout allait bien, je me souviens avoir pensé que notre voyage commençait dans le luxe en découvrant à 14h05 que notre chambre comportait une douche et un wc privés, mes souvenirs clairs suivants débutent 19 heures plus tard, le lendemain matin.

Nous avons pris notre premier repas chinois au coin de la rue, pour le petit déjeuner du 30 août. Nous avions une certaine appréhension à l'idée d'entrer dans un restaurant où il allait de soi que l'on ne nous accueillerait pas en anglais et où nos notions de chinois (François = néant, Sophie = nîhao) plafonneraient avant... les salutations. Et pourtant, moins d'une minute plus tard (montre en main), nous dégustions nos premiers raviolis chinois, suivis de notre premier délicieux bouillon de nouilles, dans une attitude de dévoration digne d'un roman de Murakami (Je n'ai pas encore de référence chinoise en la matière). Et là, nous avons compris que manger serait une chose simple et infiniment agréable tout au long de notre présence à Pékin, et probablement en Chine pour les 25 prochains jours, croisons les doigts.

Ce matin-là, nous nous sommes rendus sur la place Tian'anmen, la grand-place si vous voulez. Il m'a fallu du temps pour admettre les dimensions kilométriques dans lesquelles nous étions en train d'évoluer. La place est bordée par le mausolée de Mao, le palais de l'assemblée du peuple, le musée de l'histoire de la Chine (notre destination du jour) et l'entrée majestueuse de la cité interdite (surmontée par un impressionnant 6X12 de Mao qui pourrait laisser penser qu'il est mort hier et/ou que sa sainteté sera proclamée dans les prochaines heures.)

Place Tian'anmen
Le musée (outil de propagande du parti) était gratuit. Rénové en 2012. Architecture pharaonique d'inspiration russe. Impressionnant ; le but affiché (en mettre plein la vue) est atteint.

Après ce musée, nous avons vécu l'épisode dit « des baguettes ». Un repas de midi où nous avons à nouveau commandé sans trop de difficulté mais où nous nous sommes illustrés par notre méconnaissance de la façon de manger notre assiette (bien la mélanger, manipuler les baguettes avec dextérité, comprendre à quoi servent les différents accessoires à table, en particulier le bol d'eau de riz qui arrive vers la fin et qui sert à rincer le bol puis se rincer le gosier une fois que l'on à compris le principe). Ce repas était un peu surréaliste, tout le restaurant étant tourné vers nous et ponctuant en chœur nos gestes de grands éclats de rire. Rires que nous leur rendions de bonne grâce.

(Tout le restaurant = 8 personnes, et c'était complet, les rues sont pleines de ces mini-boutiques de 12 m² qui servent des nouilles à toutes heures.)

(Un petit-déjeuner nous coûte de 8 à 16 yuan par personne, un repas de 15 à 30 yuan par personne, 1€ = 7,5 yuan)

Nous apprécions beaucoup nos premiers contacts avec les chinois. Ils ne cessent de contredire les préjugés que nous avions entendus en Europe. Nous les trouvons joyeux et sympas. Ils me donnent l'impression de se comporter les uns avec les autres comme s'ils avaient gardé les cochons ensemble, et s'ils sont très directs, je prends ça pour de la proximité amicale plus que pour de l'impolitesse, d'autant plus que leurs intentions sont systématiquement sympathiques à notre égard, jusqu'ici.

Après deux jours, j'ai réalisé que quelque chose de romantique se dégageait de la dimension mono-culturelle de Pékin. Une impression que je relativise tout de même en me disant que de nombreuses nationalités d'Asie sont peut-être représentées ici, sans que je puisse les distinguer.


(Notre nuit de 19 heures n'a pas suffi pour encaisser le décalage horaire. Ce premier (vrai) jour, nous avons dormi la plus grande partie de l'après-midi. Mais à présent, à la fin du troisième jour, il nous semble que nous sommes à l'heure chinoise.)

Hier, nous avons franchi les portes de la cité interdite avec une certaine excitation, conscients que nous nous lancions dès le deuxième jour dans une des grandes visites touristiques de notre long voyage.

La cité n'est plus interdite depuis longtemps : ouverte en 1925 après que le dernier empereur en a été chassé, elle est aujourd'hui un évident lieu de pèlerinage pour les milliers de chinois qui viennent la visiter quotidiennement. (En Chine 99,9% des touristes sont chinois.)

Cette ville médiévale dans le ville est l'objet d'un furieux travail de rénovation, dont les résultats sont spectaculaires. Du coup, on ne visite pas une ruine antique, mais une interminable ville fantôme, affublé d'un audio-guide, et emporté par le flot des selfie-sticks. Et on marche. Et on marche.

Et c'est très impressionnant. On s'efforce d'imaginer la solitude de l'Empereur dans cette ville magique. On imagine l'époque où il y avait une pertinence à nommer tel palais Temple de l'Harmonie Suprême, tel autre, Temple de la Lumière Céleste, et on refoule son jeu de mot en passant aux toilettes, même si on a envie d'y imaginer une Paix Royale.

La cité interdite

Une autre vision de la cité interdite
À la sortie de la cité interdite, au bout de quatre heures de déambulation, on monte sur la colline artificielle qui domine la cité. On évite de peu sa première crise d'asthme sous le Smog chinois pour (ne pas) contempler une vue imprenable sur la cité. Bouddha nous attend sur la colline. Géant d'or au sourire joyeux, plus emballant, on le sait bien, que les stigmates d'un cadavre sur une potence.

Le soir, nous sommes allés observer le baissé du drapeau sur la place Tian'anmen. Enfin, au loin, depuis l'autre rive d'une route à huit bandes fermée tous les soirs quelques minutes pour l'occasion. C'est à ce moment que nous avons compris l'utilité des infinies barrières entre les trottoirs et les rues. Je n'ai pas dit jusqu'ici qu'il y a une forte présence militaire dans les rues de Pékin. On y voit régulièrement des cordeaux de quinze hommes marcher au pas, flanqués de leur colonel, traverser les rues, les places, bloquant éventuellement la circulation de la seule autorité de leur intention de passer, armés parfois de baïonnettes, mais pas armés la plupart du temps. Il est écrit dans notre guide que depuis la révolte écrasée de 1989 la place appartient au gouvernement plus qu'au peuple : tous les soirs, à partir de 17h, cet immense espace, la plus grande place publique au monde (quand on est à un bout on comprend mal où se trouve la limite opposée), est entièrement fermé à toute circulation. Au couché du soleil, une de ces colonnes de soldats quitte la cité interdite en passant sous le portrait de Mao et s'en va solennellement baisser le drapeau chinois. Symbole d'ordre et de grandeur du parti communiste, sous les flashs de la foule de touristes chinois qui se bousculent chaque soir en brandissant leurs smartphones pour voir comme ils sont à gauche, fiers et droits. Il est très difficile pour moi de comprendre si cette masse paradoxale observe ce spectacle comme la curiosité désuète que j'y vois, ou avec une émotion de patriote.

Le baisser du drapeau
Merci aux courageux qui ont lu jusqu'ici. J'ai gardé pour la fin le récit d'un instant particulier, le moment où le spectacle que nous observions par hasard nous a fait nous asseoir sur un muret pendant quelques minutes, avant de repartir :

La cité interdite est bordée de douves de 50 mètres de large. L'eau y est étonnamment propre (comme toute la ville). Au coin de ces douves, alors que nous marchions, nous avons bifurqué le long de l'eau. Nous nous demandions s'il était possible de passer par là ou si c'était un cul de sac, mais l'idée de longer l'eau un peu plus longtemps, quitte à faire demi-tour si nécessaire nous à paru, étrangement, valoir le coup.

Il y avait des pêcheurs, nous les observions... jusqu'à ce que j'observe plus attentivement la ligne d'un de ces pêcheurs et réalise qu'elle avait une inclinaison impossible : elle partait vers le ciel. J'ai mis du temps à comprendre ce que j'avais sous les yeux et cette attente a rendu ce moment magique à mes yeux. J'ai cherché en vain l'autre bout de la ligne, et Sophie m'a dit, regarde, c'est un cerf-volant.

Tellement haut et tellement loin, il y avait un minuscule carré noir. Il volait. Il volait par-dessus la cité interdite. À ce moment j'ai pensé, j'espère que c'est un simple morceau de sac poubelle bricolé.

À quelque chose comme 200 mètres de ce petit carré noir, à l'autre bout de la ligne, juste à côté de nous, il y avait un vieil homme qui tenait la bobine de ce cerf-volant, debout, à côté de son antique « chaise tricycle à moteur ». Il regardait le ciel. Il ramenait lentement son cerf-volant. Nous nous sommes assis sur le muret.



À quelque mètres de là, un groupe de pêcheurs taillait le bout de gras avec un flic, et tout ce groupe se fichait pas mal de l'immense panneau « interdit de pêcher » qui essayait vainement de se faire remarquer en face d'eux, de l'autre côte de l'eau, au bas du rempart.

Le vieil homme était imperturbable. Je n'ai pas pu m'empêcher de constater qu'il n'y avait dans le ciel aucun panneau « interdit de voler ». J'ai imaginé que le vieil homme venait là de temps à autre, quand le vent était bon, depuis quatre-vingts ans. Qu'il y était venu enfant, avec son grand-père, qu'il y était venu avec sa femme, sa fille. Sous d'autres drapeaux, sous Mao. Avec son petit-fils. Et seul maintenant que sa femme était la-haut et que son petit-fils s'était teint les cheveux en blond.

Le vieil homme à rembobiné son cerf-volant jusqu'au bout. C'était un simple morceau de sac poubelle bricolé, et j'ai pensé, mon amour, que nous commencions un merveilleux voyage.




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