Entrée du temple Daisen-in à Kyoto |
Bonjour tout le monde,
Quand nous avons commencé à réfléchir à notre projet de
voyage, il a tout de suite été clair pour tous les deux que nous ne nous
limiterions pas au tourisme. Notre envie de voyager était aussi et surtout liée
au désir de découvrir d’autres façons de vivre et d’apprendre à relativiser la
manière dont nous voyons le monde en Belgique, notre rapport au temps, notre
rapport aux autres, notre culture, etc. Nous avions envie de partager le
quotidien de familles dans les pays traversés, de nous éloigner de notre vie
citadine bruxelloise, de faire quelque chose de différent de nos
métiers
habituels. Le wwoofing, qui consiste à travailler dans une ferme bio en échange
de la nourriture et du logement, nous semblait le moyen idéal pour réaliser
tout ça.
C’est ainsi que nous avons posé nos sacs pour une semaine dans
le village de Sasayama, à proximité de Kyoto, où nous avons rencontré Chosan
qui nous a accueillis chez lui.
Chosan est un japonais de septante-et-un ans qui a vécu la
plus grande partie de sa vie en ville, en tant que chercheur dans un
laboratoire pharmaceutique, à développer un médicament pour diminuer le
cholestérol. Il nous a expliqué avoir subi un gros coup quand des études
médicales ont prouvé que le cholestérol était en fait – sur le long terme – bon
pour la santé. Ça a été un choc pour lui et ses collègues et lui a fait
remettre sa carrière en question. À cinquante ans, il a fini par démissionner,
quitter la ville, emménager à la campagne et se lancer dans la culture de
fruits et légumes biologiques. En effet, pour lui, la santé ne dépend pas des
médicaments – il nous a d’ailleurs affirmé que la grosse majorité d’entre eux
ne servait à rien, si ce n’est à enrichir les firmes pharmaceutiques – mais de
la nourriture.
La ferme de Chosan est en réalité un grand potager cultivé
par un passionné d’agriculture naturelle. Il y cultive riz, céréales,
légumineuses et légumes. Il ne vend pas ses légumes, la récolte n’est pas
suffisante, et il travaille seul dans son petit champ, avec l’aide ponctuelle d’amis
et de wwoofers. Il nous fait visiter la petite maison en bois qui jouxte la
maison où il vit avec sa femme et ses trois enfants. La maisonnette comprend
une chambre, une cuisine et une salle-de-bain et a été construite par Chosan
avec l’aide de wwoofers. Le paradis pour nous qui sommes dorénavant habitués
aux petites chambres et aux salles de bains communes. Ici, nous avons toute une
maison pour nous deux ! :-)
L’organisation des journées est claire et précise : à
8h30, Chosan vient nous chercher et nous emmène au champ auquel nous nous
rendons à vélo. On travaille jusque 11h30, on rentre cuisiner le repas du midi,
puis on recommence à travailler de 13h à 16h. À 11h30 et à 16h, une alarme
retentit dans la vallée pour prévenir les agriculteurs environnants que l’heure
de la pause a sonné (la première fois, j’ai cru avoir fait un bond dans le
temps vers la seconde guerre mondiale et entendre les sirènes prévenant l’arrivée
d’avions prêts à lâcher leurs bombes). Mais Chosan est adepte de la « slow
life » et nous prévient tout de suite que nous ne devons pas nous presser
en travaillant. Il nous arrive d’ailleurs fréquemment de terminer le travail
une demi-heure plus tôt que prévu, quand il considère que le boulot abattu est
suffisant pour la journée.
Nous sommes arrivés en pleine période de récolte des
haricots noirs. Pour le moment, ils sont encore verts (et déjà délicieux, on
peut les manger verts et si on attend ils deviendront noirs). On taille les
arbustes, on coupe leurs feuilles, on détache les haricots. Pour les manger, il
faut encore les cuire et les écosser. La quantité d’heures de travail
nécessaire pour en obtenir une petite casserole est invraisemblable. Il faut
dire que tout le travail est réalisé à la main, sans les machines sans doute
utilisées pour une production plus industrielle. Une chose est sûre : le
prix auquel on paie nos légumes nous paraît complètement dérisoire comparé au
travail nécessaire à la plantation et à la récolte. De quoi remettre les choses
à leur place !
À part les haricots, le reste de notre travail constituera à
débroussailler les alentours du champ envahis par les arbustes et la
broussaille. Cette partie-là est plus physique, on sue, surtout les premiers
jours où on travaille par trente degrés (on sera bientôt rattrapés par les
typhons et par la pluie et à l’heure où je vous écris, ça fait une bonne
douzaine de jours qu’on n’a plus vu le soleil ! Jamais plus je ne dirai
qu’il pleut beaucoup en Belgique ! 😉).
La faune japonaise est différente de la faune belge : on observe des
serpents, des mille-pattes géants, des écrevisses, des crabes et des
grenouilles par dizaines. Il paraît qu’il y a des singes, aussi, mais on n’en
voit pas.
Cette première expérience de wwoofing est un vrai bonheur,
on y trouve bien plus que ce qu’on était venus y chercher. On passe énormément
de temps avec Chosan. Chaque midi, il nous cuisine un repas japonais, chaque
soir il nous rejoint dans notre maisonnette de bois avec une bouteille de saké,
de bière ou autre alcool japonais et nous cuisine un autre repas japonais. On y
goûtera plein de plats plus délicieux les uns que les autres, dont les fabuleux
okonomyiakis que Chosan nous prépare avec talent et qu’on n’est pas prêts
d’oublier ! Durant deux jours, on se prête au jeu de lui faire découvrir
des repas « belges ». Chosan nous parle de lui, de sa vie, du Japon.
S’il accueille des wwoofeurs, ce n’est pas seulement pour obtenir de l’aide,
c’est aussi et surtout pour faire des rencontres, découvrir d’autres cultures,
entendre les histoires des gens qu’il accueille chez lui (Chosan fait partie du
petit pourcentage des japonais qui parlent très bien anglais). Il nous apprend
à dire « Itadakimaas » et « Gotchissosamadesta » en
joignant les mains et en penchant la tête avant et après le repas. Il nous
emmène à son cours de yoga où nous discutons avec la prof et l’autre élève
autour d’une tasse de thé japonais après le cours. Il nous présente Tcheko qui
vient nous aider à récolter les haricots. Il nous emmène à un onsen proche de
chez lui (les onsen sont célèbres au Japon, on en trouve partout, il s’agit de
sorte de spa dont l’eau provient de sources d’eau chaude naturelles de ce pays
volcanique). Nous nous baignons dans de l’eau très chaude, aux teintes diverses
en fonction de ce qui y a été ajouté (pétales de fleur par exemple). Certains
bains sont d’ailleurs très faiblement radioactifs, il paraît que c’est bon pour
la santé, mais nous on préfère éviter ! Il nous a proposé de nous joindre
à une méditation zen qui a malheureusement été annulée. Il nous fait visiter le
sanctuaire shinto du village et nous montre comment y prier.
Chosan roule un maki |
Les fameux okonomiyakis |
Au tour de François de préparer un okonomiyaki |
Inutile de vous dire qu’on est ravis de cette
expérience 😊
Quand arrive le moment de se dire au revoir sur le quai de la gare, Chosan nous
serre dans ses bras et puis s’enfuit, au comble de l’émotion. C’est étrange de
passer tant de temps avec quelqu’un et puis de s’en aller pour sans doute ne plus
jamais le revoir. On est heureux, on est tristes, ce genre d’expérience fait
partie du voyage. Ce qui est sûr, c’est que Chosan nous manque déjà, et qu’on a
passé une merveilleuse semaine en sa compagnie !
Depuis, nous sommes retournés à Kyoto où nous essuyons notre
deuxième typhon d’affilée. Du typhon, on ne voit pas grand-chose, si ce n’est
de la pluie, de la pluie et encore de la pluie. De Kyoto et sa région, du coup,
on voit principalement les murs de notre chambre et ceux des cafés où on se
réfugie. On est un peu tristes, un peu résignés, on ne peut pas y faire
grand-chose. On sort parfois sous la pluie, parfois on attend qu’elle cesse, on
arrive à visiter quelques temples par-ci par-là. On lit, on écrit, on décide de
quitter le Japon un peu plus tôt que prévu, directement après nos deux
prochaines semaines de wwoofing qui commenceront début novembre. Et entre les
deux, on passera par Hiroshima, la petite île paradisiaque (paraît-il) de
Miyajima, puis on remontera vers Tokyo et on passera nos derniers jours de non
wwoofing à Kanazawa. Et bonne nouvelle : après le typhon, la météo prévoit
(enfin) du soleil !!! 😊
À bientôt pour la suite de nos aventures !
Sophie
Le Pavillon d'or à Kyoto |
Kyoto |
Touristes en kimono à Kyoto |
Kyoto |
Il pleut à Kyoto |
Forêt de bambous à Kyoto |
Jardins du temple Tenryu-ji |
Temple Fushimi-Inar |
Quel bonheur de vous lire! Jolies photos.
RépondreSupprimerMerci ! :-)
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